Axes de recherche
Jusqu’en juin 2012, nos recherches collectives ont pris la forme du PRI Mathématiques et Histoire (Centre Koyré, centre Maurice Halbwachs, CRH, CAMS) (BILAN du PRI). En particulier, nous avions le projet collectif « Mathématique et rhétorique » : dans cette perspective, en tant qu’art de penser, l’art oratoire ou rhétorique entre dans la rédaction des textes mathématiques et réunit les traces concrètes de l’historicité des mathématiques. Ce projet a donné lieu à un ouvrage collectif sous la direction de Giovanna Cifoletti, publié en 2006, « The Art of thinking mathematically ».
Depuis 2012, les recherches du PRI ont continué dans le cadre du Labex HASTEC, avec le projet interdisciplinaire Séries de problèmes: un genre au carrefour des cultures. Cela a abouti à un ouvrage collectif du même titre paru en 2016. Voir le site https://problemata.hypotheses.org/
Depuis 2014 nous avons constitué le groupe de recherche Mathématiques et histoire de l’axe Histoire des techniques du centre Koyré. Nos recherches se développent sur trois nouveaux axes :
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L’algèbre en tant que technique ou «art» : les artefacts dans la mise en forme et l’écriture de l’algèbre.
Depuis plusieurs années Giovanna Cifoletti a proposé dans mes séminaires et journées d’étude d’examiner les textes algébriques du XVIe siècle du point de vue de l’histoire des techniques. Ces textes théoriques appartenant au milieu des juristes, qui développaient leur algèbre en apparent contraste avec la tradition vernaculaire commerciale des écoles d’abaque, étaient fondés dans les techniques de cette même tradition. Ainsi les notions mêmes d’équations sont en lien étroit avec le troc, le change ou les alliages des monnaies. J’ai donc retardé la publication d’un ouvrage de 2008 (Mathematics of the human world. French Symbolic Algebra from the Art of the Thing to the Art of Thinking (1545-1628)), à paraître chez Springer, pour pouvoir y inclure de nouvelles découvertes sur le passage de la pratique à la théorie, sur la continuité entre la pratique développée dans les textes pour les écoles d’abaque et les algèbres adressées au milieux cultivés. Dans cette direction travaillent plusieurs étudiants, notamment un diplômant, trois masters et actuellement deux doctorants.
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Une reprise de l’étude phénoménologique de l’algèbre et de son histoire par Jacob Klein, auteur de début de XXe siècle. (Avec Burt Hopkins, Seattle University et Ca’ Foscari, Venise.)
Depuis 2014, je coordonne un groupe de chercheurs sur le rôle de l’histoire de l’algèbre dans la compréhension phénoménologique des sciences modernes. Cruciale ici est l’interprétation des origines de l’algèbre symbolique par Jacob Klein, au début du XXe siècle, en dialogue avec Husserl et Heidegger. Klein fonde une nouvelle lecture de Descartes à partir des Grecs qui répond aux interrogations ultérieures de Husserl, celles de laKrisis de 1936. J’ai organisé plusieurs workshops internationaux autour de cette question. Les chercheurs concernés proviennent d’horizons différents (Burt Hopkins, philosophie, Università Ca’ Foscari Venezia; Jeffrey Oaks, mathématiques, Université de Minneapolis ; Jean Christianidis, histoire des mathématiques, Université d’Athènes : Mark van Atten, philosophie, CNRS, Université Paris 1; Michael Roubau, philosophie, Hebrew University Jerusalem.Un ouvrage collectif sous ma direction est à paraître en 2018. Le titre est Jacob Klein’s legacy: historical and phenomenological perspectives on the origins of algebra. Sa publication est prévue dans un numéro spécial de la revue The New Yearbook for Phenomenology and Phenomenological Philosophy, Routledge.
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Les mathématiques du négoce dans le Proche Orient ancien et à la Renaissance (Avec Grégory Chambon).
En 2011 Giovanna Cifoletti a organisé une première journée Mathématiques et négoce avec Grégory Chambon, spécialiste de mathématiques babyloniennes. Le but était de comparer la structure rhétorique des textes juridiques et de comptabilité de la Mésopotamie et de la Renaissance italienne, deux contextes dans lesquels les villes étaient relativement autonomes en termes d’économie et de monnaie. Cette comparaison des activités marchandes entre des époques si éloignées s’est révélée féconde puisqu’il a été possible de dégager des formes de rationalités pratiques communes à ces sociétés. Ce travail se poursuit depuis deux ans dans un séminaire commun à l’EHESS (De la pratique à la théorie. Comptes et mesures des marchands en Mésopotamie et en Europe de la Renaissance), dans la participation à la journée d’étude organisée par G. Chambon au Collège de France le 21 et 23 juin 2017 et l’organisation d’une troisième journée d’étude internationale à l’EHESS prévue pour novembre 2018. Un ouvrage collectif sous la direction de Grégory Chambon et Giovanna Cifoletti est aussi prévu.
Anciens axes de recherche
Le PRI Mathématiques et Histoire est né en 2001 à partir d’une pratique de recherche en histoire de mathématiques et d’une pratique de formation à cette recherche. L’hypothèse de fond est qu’il appartient à la pratique des mathématiques de renégocier leur définition au cours du temps. Par conséquent, aller au delà de la définition disciplinaire des mathématiques est le point de départ de cette enquête. On arrive alors à montrer comment l’objet est construit à partir de plusieurs traditions savantes et comment ces dernières sont identifiées à des conditions et divisions sociales. L’exemple paradigmatique de ce type de recherche est l’étude des rapports entre les traditions rhétorique et mathématiques. Corrélativement, la pratique pédagogique qui caractérise le PRI consiste à impliquer les étudiants dans cette enquête en leur faisant étudier d’emblée plusieurs traditions savantes. En effet, aller au delà des mathématiques en tant que discipline a-historique est nécessaire pour l’historiciser, mais cela présuppose la double formation en mathématiques et en sciences sociales, sans oublier la formation linguistique spécifique au thème de leur recherche personnelle. Les étudiants de formation scientifique sont donc encouragés à découvrir les sciences sociales et à travailler sur les mathématiques en historiens et en spécialistes des sciences sociales. Réciproquement, les étudiants de formation littéraire sont invités à acquérir des compétences scientifiques de façon à savoir lire des textes mathématiques de plusieurs époques distinctes, outre qu’à savoir reconnaître le rôle des mathématiques dans les différents contextes sociaux. Notre équipe devrait donc être conçue comme un atelier multidisciplinaire de recherche sur les mathématiques. C’est pourquoi nous avons développé des collaborations avec plusieurs de nos collègues de l’EHESS non seulement en histoire sociale, mais aussi en ethno-mathématique, anthropologie, sociologie, psychologie, études cognitives, philologie, philosophie.