Mathématiques et cosmos
Les mathématiques du cosmos : Ptolémée et ses héritiers dans l’antiquité, au Moyen-Age et à la Renaissance.
Giovanna Cifoletti travaille depuis plusieurs années sur l’intégration, à la Renaissance, entre la tradition algébrique telle qui était parvenue en Occident par les écoles d’abaque et la grande tradition de mathématiques savantes représentée par l’astronomie. Un ouvrage en préparation concerne plusieurs astronomes ou cosmographes du XVIè siècle tels qu’Oronce Finé, Gemma Frisius et Pedro Nunes, plus ou moins proches de l’astronomie classique et de l’algèbre. Il montre qu’une nouvelle encyclopédie idéale fondée sur la dialectique et l’algèbre réservait une place particulière au développement de la cosmographie, avec d’importantes implications sur le statut social des algébristes professeurs d’université et des algébristes cosmographes du roi. Il montre aussi l’importance de la réception de l’œuvre de Ptolémée de ses commentateurs antiques et médiévaux à la Renaissance non seulement en tant qu’astronome, mais aussi en tant que théoricien des mathématiques et de leur portée théologique dans l’interprétation du monde.
Ces préoccupations rejoignent des travaux récents sur la nature précise des travaux de Ptolémée, en rapport au contexte philosophique et culturel de son temps. Jackie Feke, qui a récemment soutenu sa thèse de PhD au Canada (Univ. of Toronto) sur les aspects philosophiques de l’œuvre de Ptolémée, ainsi qu’Alain Bernard, qui travaille depuis des années sur plusieurs commentateurs tardifs de Ptolémée dans l’antiquité tardive, comme Pappus, Théon, Hypatie d’Alexandrie (4è s. CE), Proclus de Lycie (5è s. CE) ont ainsi participé tous deux à la nouvelle édition du volume The Cambridge History of Philosophy in Late Antiquity (éditeur Lloyd Gerson, Univ. of Toronto) par un chapitre dédié à la philosophie de Ptolémée (J. Feke) et un second sur Hypatie (A. Bernard) comme héritière tardive de cette philosophie.
Ces travaux montrent pour l’essentiel que le projet de Ptolémée dansl’Almageste est pour l’essentiel de nature philosophique (éthique et épistémologique). C’est la très forte cohérence de ce projet philosophique qui permet de comprendre non seulement la place del’Almageste dans le reste de l’œuvre de Ptolémée, mais encore la structure du traité lui-même et ce qu’entend précisément Ptolémée quand il parle de l’étude des mathématiques. Elle permet enfin de comprendre pourquoi un tel traité pouvait intéresser un lectorat, tel celui des astrologues, qui était non seulement en quête de moyens techniques pour calculer la position des astres fixes et errants (les planètes) à un moment donné, mais aussi d’un moyen de formation intellectuelle et morale. Cet héritage est l’enjeu d’un article d’Alain Bernard prévu pour la Revue de Synthèse ainsi que d’un chapitre sur Théon dans le livre collectif ‘Ancient Sources and Teaching Context : Problems and Perspectives’.
Mathematics of the Cosmos : Ptolemy and his inheritors in Antiquity, the Middle-Ages and the Renaissance.
Giovanna Cifoletti has been working for several years on the integration, during the Renaissance, of the algebraic tradition, which stemmed in the West from abacus schools, and the great tradition of learned mathematics represented by astronomy. Her forthcoming bookdeals with several astronomers and cosmographers of the 16th century, such as Oronce Finé, Gemma Frisius and Pedro Nunes, who were all familiar with the two traditions of classical astronomy and algebra. This book shows that, for these Renaissance authors, a new, ideal encyclopedia, founded on dialectic and algebra, gave an important role to the development of cosmography. The recognition of cosmography’s importance, in turn, affected the social status of university professors as well as the status of algebraists and cosmographers serving the king. The book also demonstrates the significance of the reception, in the Renaissance, of both Ptolemy’s texts and their antique and medieval commentaries, which examined several aspects of Ptolemy’s mathematics, not only his astronomy, but also his philosophy of mathematics and, in particular, the theological import Ptolemy attributes to mathematics in interpreting the cosmos.
These concerns are closely related to recent work on the precise nature of Ptolemy’s texts, considered against the background of the contemporary philosophical and cultural contexts. Thus, Jacqueline Feke recently defended her PhD thesis (Univ. of Toronto) on the philosophical content of Ptolemy’s works, and Alain Bernard has been working for years on late antique commentators on Ptolemy, such as Pappus, Theon or Hypatia of Alexandria (4th cent AD) and Proclus of Lycia (5th AD). Both have contributed to the forthcoming edition of The Cambridge History of Philosophy in Late Antiquity (ed. Lloyd Gerson) with a chapter entirely devoted to Ptolemy (J. Feke) andanother one on Hypatia (A. Bernard), considered a late inheritor of Ptolemy’s philosophy.
These works demonstrate that Ptolemy’s project in the Almagest is essentially of a philosophical, ethical and epistemological, nature. The coherency of Ptolemy’s philosophical project enables one to understand not only the role of the Almagest within Ptolemy’s corpus, but also the structure of the treatise and Ptolemy’s precise definition of the study of mathematics. In addition, these works enable one to understand why the Almagest interested readers who, like ancient astrologers, were not only seeking technical means to calculate the positions of stars in the heavens but also a way to cultivate their mind and character. This heritage is the focus of a forthcoming article by Alain Bernard in the Revue de Synthèse as well as of a chapter on Theon of Alexandria in the forthcoming, collective book ‘Ancient Sources and Teaching Context: Problems and Perspectives’.